La Birmanie touristique : Lac Inle et Bagan

 

La saison touristique idéale commencerait au 1er Novembre et il semble que les agences de voyage se soient toutes données cette date pour lancer les hostilités ! En particulier sur les sites les plus visités du pays comme le Lac Inle et Bagan.

 

La visite du Myanmar (nom que nous avons fini par adopter durant notre périple…) a longtemps fait débat dans certains cercles.
Devons-nous visiter ce pays malgré les outrages évidents, violations extrêmes et abus en tout genre aux droits de l’homme ?
Rappelons que même s’il semble s’ouvrir peu à peu, ce pays est encore aujourd’hui dirigé par une junte militaire (et ce depuis des décennies) qui a détourné les dernières élections et gère le pays en dictateur. Aussi, visiter le Myanmar signifierait pour certains accepter, ou du moins cautionner son régime…
Mais ce n’est pas ce que disent les birmans lorsque nous les interrogeons. Ils se disent ravis d’avoir des visiteurs, nous remercient de venir et sont convaincus que cela favorise l’ouverture du pays et des mentalités.
Au fil de nos lectures, nous avons découvert que la plupart des sites touristiques majeurs, des transports officiels, compagnies aériennes, grands hôtels, chaines de restaurant ou centre commerciaux appartenaient à la junte ou à de riches familles proches du régime. Un voyage « responsable » dans ce pays consiste donc à éviter tous ces établissements et à limiter ses moyens de transport. En allant manger dans des stands de rue, des petits restaurant locaux, en dormant dans des auberges modestes, en s’adressant directement à des guides, on s’assure que notre argent revient donc directement aux birmans et que le tourisme profite le moins possible à la junte. Mais certaines choses sont inévitables, dont les entrées du Lac Inle et de Bagan, payées directement à un check point sur la route d’accès aux sites.
Si vous envisagez un voyage au Myanmar (le plus tôt sera le mieux !), tachez de prendre garde à ces éléments et si vous ne pouvez vraiment pas éviter un circuit en agence soyez ferme et interrogez votre agent sur chaque point pour vous assurer que les lieux ou vous mangerez et dormirez sont bien choisis…

 

DSC_4294 [1024x768]Le Lac Inle est toujours en territoire Shan. Immense étendue d’une superficie de 120 km², il abriterait plus de 400 villages lacustres et pas moins de 100.000 habitants.
Nous l’abordons par le village principal et sommes vites fatigués par l’insistance des guides à vendre un tour en bateau à la journée… Laissant cela pour plus tard nous commencerons notre exploration par un tour à vélo et retrouverons quelques scènes champêtres et villageoises plus réjouissantes. Faire le tour du lac serait trop ambitieux, en traversant par bateaux à mi-parcours nous découvrons ses eaux huileuses et plates, d’abord envahies d’hyacinthes d’eau puis désertes, dont les reflets nous offrent un spectacle impressionnant.

Nous passerons 4 jours sous un ciel variable et perturbé mais toujours superbe et souvent doublé par son reflet parfait sur le lac. Les couleurs sont toujours essentielles, ici, grâce à ce ciel, elles changent beaucoup. Le café au lait du canal qui mène au lac, le gris du matin chargé, et le blanc de ses nuages moutonneux ; le bleu pétrole, huileux sous le soleil de la mi-journée, et l’orange-rosé de la fin d’après-midi.

Pour explorer plus avant il nous faut finalement prendre guide et bateaux et faire une nouvelle fois honneur à notre réputation de pingres ! Car si les bateaux ne sont pas si chers à la journée c’est parce que les guides sont commissionnés par les boutiques et restaurants où ils vous emmènent. Chaque village lacustre a sa spécialité, et donc son « workshop » à visiter. Drôle, mais pathétique, de voir les employés courir vers leur faux poste de travail lorsqu’ils voient un bateau arriver et vous faire croire lorsque vous débarquez que vous êtes bien dans un atelier… Nous tachons d’éviter ce cirque et fâchons notre guide, jusqu’au repas que nous prendrons au pied d’une pagode, avec les birmans, 10 fois moins cher que le restaurant à touristes qu’il avait prévu pour nous… Nous n’échapperons pas à certaines visites mais apprécierons plus, souvent de loin, le bruit des métiers à tisser qui résonnent dans un village, les grandes laies de tissus teintés dans un autre, les nouilles de riz accrochées au-dessus des eaux dans le suivant…etc.
Tout est sur pilotis ou flottant, jusqu’aux immenses champs de tomates, qui sont en fait des bandes de terre et d’algues agglomérées. Le marché change de village chaque jour, et l’on y voit des ethnies venues de tout l’état shan, et maintenant de nombreux stands de souvenirs… Plus au Sud, on échappe un peu à l’agitation touristique en visitant un village de potiers, dans les terres, et une pagode sur les rives de laquelle on prépare le marché du lendemain. Les peuples des montagnes sont descendus en charrettes chargées de bois, et l’on profite de l’eau qui manque chez soi pour se laver, faire ses lessives et baigner les bœufs.
Sur le lac les bateaux sont longs et frêles et semblent disposer d’un équilibre assez singulier. On s’installe à l’avant ou à l’arrière, accroupi sur un minuscule espace plat qui rase la surface. La principale ethnie du lac, les Inthas, venus il y a fort longtemps pour échapper aux conflits des frontières de l’Est, a développé une étrange manière de mener sa barque. On s’y tient debout et l’on rame avec la jambe enroulée autour de la pagaie ! Un moyen de conserver ses mains libres pour l’immense nasse que l’on pose au fond de l’eau et dans laquelle on piège le poisson.

L’on peut comprendre que le Lac Inle soit devenu un incontournable des circuits touristiques, la vie qui l’habite autant que les atmosphères, les reflets et la lumière méritent un passage par ses eaux. Pourtant, l’approche touristique que les birmans ont choisie nous aura laissés perplexes et aura sans doute un peu minimisé notre plaisir.

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A Bagan on aura au moins la satisfaction de ne pas avoir besoin d’un guide ! Incontestablement l’un des sites les plus intéressants d’Asie du Sud-Est, Bagan est une immense plaine de 42 km² ponctuée de plus de 2800 monuments ! Nous avions adoré le site d’Angkor (lors d’un précédent voyage) dont les temples et vestiges étaient cachés, parfois dévorés par la jungle, nous avons aimé Bagan qui se dévoile à perte de vue !
La majorité des temples, pagodes ou monastères (de briques rouges, nous qui avons presque la nostalgie de Toulouse la rose, nous voilà servis !) ont été construits entre le Xème et le XIIIème siècle, leur état de conservation est variable, certains étant encore des lieux de culte et de pèlerinage fréquentés, couverts d’ors ou d’un stuc blanc régulièrement nettoyé. A l’intérieur de chaque structure, même les plus délaissées, un ou des bouddhas sont aussi souvent repeints, dénotant avec les extérieurs. La rénovation est critiquée par beaucoup, et l’ajout, il y a quelques années, d’une tour très haute, restaurant panoramique ou attraction, en plein milieu du site n’a pas aidé. Ce serait la raison pour laquelle Bagan n’est pas classé au patrimoine mondial de l’Unesco… Mais cela le mériterait tant !
On ne sait plus où donner de la tête dans les sentiers cahoteux de la plaine et finalement, c’est souvent en s’arrêtant au hasard que l’on découvre des perles oubliées des guides, comme ce temple isolé aux incroyables fresques murales intérieures et ce superbe monastère déserté sur lequel on peut grimper pour surplomber la plaine.
DSC_5564 [1024x768]Plusieurs monuments permettent des vues incroyables et nous en explorerons certains aux levers et couchers de soleil… Fabuleux, des stupas et leurs pointes aussi loin que porte le regard, et cette incroyable brume du matin qui noie leur base…

Mais ici comme au Lac Inle, le tourisme de masse a fait sa place. Le site est suffisamment grand pour ne pas se sentir oppressé par les visiteurs, en revanche les vendeurs y sont nombreux et très insistants… Une fois de plus, lorsqu’un endroit devient une manne financière, on y perd en spontanéité et en authenticité. Un visage du Myanmar que nous aurons moins apprécié tant nous étions tombés amoureux de ces campagnes et montagnes ou les birmans restent accueillant et curieux…

 

Aujourd’hui il y aurait moins d’un million de touristes par an au Myanmar, (la Thaïlande voisine en reçoit environ 16 Millions…), mais le temps est au développement… Espérons tout de même que les sourires et la gentillesse des Birmans n’en soit pas totalement altérée…

 

 

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Le bilan ?

* 27 jours sur place, environ 2.550 km parcourus, 36h de bus, 17h15 de scooter, 16h de vélo et e-bike, 9h30 de train, 8h de bateau, 5h30 de taxi et pick-up, 34h30 de marche en montagne, au cœur des temples, pagodes et monastères ou en jungles urbaines.

 

Cliquez pour visualiser la carte de notre parcours

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* Pour un Budget total de 1317€ soit 24,40€/jour/personne en moyenne : 9€ de logement/j/pers et environ 3,15€/j/pers pour se nourrir (et boire un coup !).

Le Myanmar est l’un des pays les plus chers d’Asie du Sud-Est. Si l’on peut facilement manger pour trois fois rien dans la rue, les prix grimpent en ce qui concerne les restaurants et hôtels, même modestes. Et chaque année, avec le développement touristique les prix augmentent de manière exagérée.

 

Et en vrac tout ce qu’on a oublié de vous raconter :

* Le bouddhisme est la religion dominante et officielle, nous l’avons trouvée ici particulièrement vivace. Les lieux de culte sont très entretenus et fréquentés et les nombreuses cérémonies et traditions qui régissent la vie des pratiquants sont très suivies. Chaque bouddhiste doit dans sa vie être moine au moins deux fois. L’une entre 5 et 20 ans, l’autre après 20 ans. On donne donc son enfant ou adolescent pour qu’il soit novice durant 2 semaines ½ minimum, puis l’on y retourne une fois adulte pour au moins 2 mois. Parfois les enfants sont donnés par les familles pauvres qui ne peuvent les nourrir, ces derniers restent donc au monastère plus longtemps que prévu. On peut quitter la vie monastique et y revenir quand on le souhaite et il n’est pas rare que certains fassent des va-et-vient. Non pas que la vie en monastère soit aisée, elle est faite de méditations, prières et pas mal de règles à suivre. En revanche la population pourvoit à votre survie en particulier à travers les donations quotidiennes. Tous les matins les moines, en procession marchent à travers la ville pour récolter la nourriture que les habitants déposent dans leurs immenses bols. Mis en commun ils seront cuisinés pour tout le monastère.

DSC_4432 [1024x768]* Les birmans fument peu mais ont un autre « vice » sacrément plus visible : le bétel. La feuille et la noix de bétel, associées à de la chaux liquide, parfois du tabac et des arômes, se mâche dans un coin de la bouche, la rendant rouge et attaquant les dents. On n’avale pas le résidu, liquide ou pas, on le crache, partout, tout le temps, maculant les trottoirs…

* Le tanaka est un produit de beauté très répandu dans tout le pays. Il s’agit d’un arbre dont on frotte le tronc avec un peu d’eau. La pâte que l’on en tire est appliquée sur les parties exposées du corps mais surtout sur le visage, pour le protéger du soleil. En séchant le produit devient jaune, on repasse souvent une dernière couche en faisant un simple rond sur les joues ou des dessins pour les enfants… De grande marque ont reconnu ses propriétés matifiantes et l’utilisent déjà (entre autre choses…)

* Lorsqu’on appelle le serveur au restaurant on mime bruyamment un ou deux bisous aspirés avec sa bouche… S’utilise aussi avec les amis dans la rue… Les premières fois qu’on l’entend ça surprend !

* Il a été (un peu arbitrairement) décidé il y a quelques années de changer le sens de circulation dans le pays. On conduit donc à droite… Soit ! Mais les véhicules, eux, ont pour l’immense majorité gardé leur volant à droite aussi ! Très dangereux par moment…

* Devant les maisons, les temples, ou plus généralement n’importe quelle institution ou établissement, une ou deux jarres d’eau et un gobelet sont mises sur les trottoirs. Elles sont à la disposition de qui en a le besoin, moine, voyageur, ou simple badaud…

* Beaucoup d’immeubles sont hauts mais n’ont pas d’ascenseurs, pas plus de sonnettes. A Yangon, on voit encore pendre des fenêtres et balcons une corde solide au bas de laquelle un mousqueton récupère ce que l’on doit monter (notamment le journal du jour). Et à l’autre bout, là-haut, il y a une sonnette pour avertir l’occupant !

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Le vrai bilan ? Nous avons adoré la Birmanie et nous sommes sentis chanceux de pouvoir visiter ce pays assez tôt, avant que l’ouverture change son visage souriant, curieux et par endroit intact. Gageons que cette ouverture lui apporte quand même une stabilité et une situation plus heureuse car la crise n’est pas que politique au Myanmar, par endroit les populations sont peut-être parmi les plus pauvres que nous ayons vues cette année.

 

Ah oui… Et il faut absolument qu’on revienne, évidemment, il nous manque tellement de choses à voir encore !

 

4 commentaires à propos de “La Birmanie touristique : Lac Inle et Bagan

  1. Marie Matray

    Juste un énorme merci pour ces magnifiques photos et ces lectures passionnantes. J ai embarque dans votre voyage mon mari et mes filles, nous avons voyagé pendant un an à vos cotés, vous nous avez fait découvrir des pays et partager vos rencontres. C était un vrai plaisir. Nico, tu peux poser pour quelques jours tes chaussures de marche et Cam tu peux reprendre tes talons! Au plaisir de vous suivre à nouveau .

  2. Mathias Mathias

    C’est quoi un e-bike ?

    • Cam Cam

      Un vélo électrique. Le site est tellement grand que beaucoup de gens préferent ça au vélo. Ils viennent de chine et ressemblent beaucoup a des minis scooters en fait…

  3. joanna

    Merci pour ce road trip passionnant qui m’aura fait voyager durant cette année 2014. Au plaisir de vous voir. Des becots!

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