La Malaisie péninsulaire #2

 

Direction le sud de la péninsule…

 

En commençant par Kualan Tahan, porte d’entrée du parc national Taman Negara et sa forêt : l’une des plus anciennes au monde, encensée par les guides et très fréquentée par les touristes…
On y vivra pendant quelques jours une curieuse ambiance de jours fériés… Les restaurants et boutiques ouvertes sont minoritaires en cette fin de ramadan mais les touristes eux, sont bien là et en mal d’aventures !
Car c’est ainsi que l’on nous « vendra » la classique et plébiscitée attraction du coin : quelques heures de marches pour atteindre une grotte dans laquelle on dort à même le sol, entourés par une quarantaine d’autres touristes avant de repartir au matin pour 2 heures de marche… « Et même, si la rivière est trop basse, votre guide vous fera peut-être descendre du bateau, vous aurez alors sans doute les chevilles dans l’eau ! »

DSC_7443 [1280x768]C’était censé nous séduire… Le ton pourtant enjoué du guide et le pitch aguicheur ne nous ont pas convaincus…
On s’est dit qu’on ne pouvait pas faire mieux que nos 6 jours à 3 dans la boue au Guatemala…

En revanche, quand on est prêt à prendre le temps et à l’explorer seuls, le parc propose des randonnées à la journée suffisamment boudées par les « aventuriers en herbe » pour marcher 5 à 6h sans croiser grand monde dans une jungle des plus variée, sauvage et agréable : de quoi nous contenter quelques jours !
 

Après la foule des voyageurs nous avions envie d’un endroit un peu perdu et authentique.
Pekan ne nous a pas déçus ! Quelques shophouses et musées le long de sa rivière café au lait ne justifieraient pas forcément le détour, en revanche, l’accueil y fut agréable et les sourires et « hello » plus spontanés et fréquents.
Peu de touristes s’arrêtent ici et les locaux qui parlent anglais engagent facilement la conversation, pour le plaisir d’échanger quelques mots et de nous souhaiter la bienvenue.
Nous logerons dans une ancienne maison de sultan et, curieux, nous irons nous balader ou personne ne semble aller : devant la nouvelle résidence du sultan, juste pour apercevoir le phénoménal portail et imaginer le faste qu’il peut cacher…

 

DSC_7511 [1280x768]

 

Puis vint enfin le joyau de la péninsule (à mon sens !).

Malacca, au Sud du pays, fut classé à l’Unesco en même temps que Georgetown. Ces villes m’ont paru pourtant bien différentes.
1er port du pays, sous domination portugaise puis hollandaise, les occupants ont laissé leur marque sur quelques bâtiments flamboyants et égrené quelques églises.

Mais c’est le vieux Chinatown le quartier emblématique de la ville.

DSC_7788 [1280x768]Il est concentré autour d’une rue devenue très (trop) commerçante, qui vend aux hordes de touristes asiatiques de faux-souvenirs « typiques » et des tee-shirts bon marché dans des boutiques « tendances » à la musique un peu trop forte… On est bien loin des motifs d’un classement au « World heritage » (Patrimoine Mondial de l’Unesco)…
Pourtant, la ville est belle, les temples chinois et mosquées sont à la hauteur, l’ambiance, en soirée quand les touristes partent, est paisible et çà et là se devinent encore d’innombrables shophouses.
C’est dans les rues environnantes, pas encore totalement envahies, que l’on trouve des bâtiments encore traditionnels et parfois dans leur jus ou des papis chinois tous les matins font leurs exercices devant la maison qu’ils referment pour la journée pendant les heures touristiques.

Plus propre, plus agréable aussi que Georgetown, on a même doté la ville de trottoirs et arrangé les quais de la rivière, devenus promenade proprette et lieu d’embarquement des nombreux bateaux-navettes touristiques. En somme, une ville qui semble s’être adaptée au tourisme, sait mettre en valeur son patrimoine mais conserve un charme bien à elle.

On nous apportera un éclairage bien différent au 8 Hereen Street…
Sur recommandation de l’Unesco, une ONG locale a rénové cette shophouse du 18ème siècle, utilisant les mêmes méthodes et les mêmes matériaux qu’à l’origine pour garantir son authenticité. Le vieil homme, malaccais passionné, qui garde les lieux nous explique qu’au fond, aujourd’hui seul 7% des bâtiments visibles à Malacca sont 100% authentiques. La plupart sont intérieurement réaménagés pour s’adapter à leur nouvelle activité : hôtel, café-restaurant ou boutique. Au mieux, les façades sont conservées et rénovées, mais pas toujours dans les règles de l’art et l’on n’a pas de scrupules à orner une superbe façade d’un affreux panneau lumineux. Ce qui pour lui est « authentique » c’est à la fois le bâtiment dans son ensemble (intérieur et extérieur) mais également son usage. Car initialement ces shophouses étaient des échoppes mais aussi des lieux de vie…
Et les locaux n’ont plus les moyens de rester ici, les prix augmentent et la ville change. Et de nous donner en exemple les fameux trottoirs auxquels je tiens tant, « Nous n’avions pas de trottoir à Malacca avant ! Ils ont même voulu rendre la ville piétonne ! Mais nous vivons ici ! ». Supprimer les voitures et la circulation ? Une aberration pour lui, le meilleur moyen de faire fuir les habitants…
Ainsi ce que nous appelons de nos vœux en tant que touristes, croyant rendre la ville plus agréable à vivre et à visiter la dépossèderait en réalité de sa nature profonde…
La ville perd son authenticité en perdant ses habitants et leurs habitudes de vie… « Où est l’héritage si tout est différent ? Si tout change et que les habitants s’en vont… »
DSC_7724 [1280x768]Ce n’est pas faux… On pourrait donc être partisan de l’authenticité, de la conservation du patrimoine sans pousser au tout-piéton…
Pardon, j’ai cru que le monde nous appartenait à tous, oubliant qu’un lieu et son histoire appartiennent sans doute d’abord à ceux qui l’ont faite et qui y vivent…

L’équilibre est compliqué et fragile entre préservation et tourisme, c’est le gouvernement qui gère et attribut les fonds venant de l’Unesco et les choix qui sont fait le sont souvent pour privilégier l’expansion d’un tourisme qui peut autant permettre de conserver que dénaturer l’origine même d’un classement… (Éclairage public exagéré, guirlandes lumineuses colorées, statue-pub sur un rond-point à l’entrée du quartier historique, construction d’une tour de vue à quelques mètres…etc.)

Je me posais la question à Georgetown « le classement à l’Unesco devient-il un sauveur ? »…
Non, mais si, un peu… Enfin pas trop mais quand même… Avec des bémols alors… Et puis parfois non, mais bon…
C’est compliqué… Résumons ça comme ça !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *